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Marie-Laure Jonet, pour une plus grande diversité au travail

Marie-Laure Jonet est bénévole engagée auprès des personnes handicapées depuis l’âge de dix-sept ans. Aujourd’hui, forte d’une longue expérience professionnelle en communication, elle a créé DiversiCom, une organisation sociale destinée à accompagner les demandeurs d’emploi handicapés dans leurs recherches professionnelles.

Marie-Laure Jonet a étudié la philologie romane, la philosophie et l’édition à l’université. Elle a obtenu son agrégation, la transmission du savoir ayant toujours été sa passion. Férue de voyages et intéressée par les différences culturelles, elle a d’abord travaillé quelques années à l’étranger. En 1999, de retour à Bruxelles, elle rejoint le service Porte-Parole du Commissaire Européen à l’Education et à la Culture. Parallèlement, Marie-Laure consacre une partie de son temps libre à des activités de loisirs pour enfants et jeunes handicapés. Après quinze années au sein des institutions européennes, elle quitte son poste de chargée de communication pour créer sa propre entreprise sociale.

 

 

Pourquoi avoir choisi de fonder DiversiCom en 2014 ?

Lorsque j’avais dix-sept ans, j’ai eu l’occasion de participer à un projet de soutien à des enfants autistes tunisiens traités par thalassothérapie. Ma rencontre avec Sla, petit garçon autiste profond, m’a bouleversée. A partir de ce moment, j’ai su que le soutien aux personnes handicapées ferait partie de ma vie. En 2014, à l’approche de la quarantaine, je m’interrogeais sur la direction à donner à ma vie professionnelle. D’une part, j’avais toujours en tête l’idée de m’investir davantage au service de la personne handicapée. D’autre part, j’avais constaté que le taux d’emploi des personnes handicapées en Belgique n’était que d’environ 35%, contre une moyenne européenne de 50%. Ce malgré l’énorme vivier de compétences et de motivations qu’elles représentent.

Le handicap des personnes ne doit pas être un handicap aux relations, ni au développement d’une vie personnelle et professionnelle. Ce faible niveau d’emploi ne pouvait être lié à la mauvaise volonté, ni de la part des personnes handicapées, ni de celle des entreprises, mais plutôt à l’ignorance, à la peur de mal faire, aux préjugés, … Un gros travail de sensibilisation est donc nécessaire pour rapprocher ces deux univers de l’entreprise et du handicap, qui ont tout à gagner à mieux se connaître.

Quelle est la mission de DiversiCom ? Quelle est votre démarche ?

DiversiCom se donne pour mission de faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap dans l’entreprise ordinaire, en misant sur la compétence. Pour ce faire, nous avons conclu des partenariats structurels avec les pouvoirs publics compétents pour l’accompagnement des personnes handicapées (le Phare notamment) et pour l’emploi (Actiris). Nous avons également établi des partenariats avec des écoles et des universités pour accompagner les étudiants sortants en situation de handicap.

Nous avons contacté des entreprises partenaires potentielles. BNP Paribas Fortis et Solvay étaient les premières à avoir réagi instantanément. Elles sont 75 aujourd’hui. Il est important pour nous de ressentir la réelle volonté de l’entreprise d’avancer sur ces questions d’intégration de personnes différentes, sans laquelle cela ne peut pas fonctionner. Nous n’entrons pas par le fenêtre de l’entreprise qui ne nous ouvre pas la porte. Nous ne nous limitons pas à préparer le futur employeur, ses collègues et l’employé lui-même. Nous vérifions que tout se passe bien et assurons le suivi en cours d’intégration. Souvent, des questions se posent et il est nécessaire de réajuster le projet dans un climat transparent et constructif.

Après trois années de développement, DiversiCom est constituée d’une équipe de cinq passionnés qui ont accompagné 150 personnes à ce jour. Et 75 entreprises sont partenaires du projet.

 

 

Comment aidez-vous les entreprises à intégrer les personnes handicapées ? Quelles sont les questions fréquentes et les préoccupations le plus souvent exprimées ?

Des actions préparatoires peuvent être définies avec les entreprises, que ce soit des actions de sensibilisation auprès de l’ensemble du personnel ou l’organisation de formations pour les responsables des ressources humaines désireuses de connaître les bases indispensables au recrutement d’une personne handicapée (primes à l’emploi, aménagements du poste mais aussi préparation de l’équipe et communication interne).

Les questions logistiques d’accessibilité sont souvent les premières évoquées et redoutées par les entreprises. Nous veillons alors à leur expliquer que les personnes en chaise roulante ne représentent que 3% des personnes handicapées… La crainte que le handicap empêche une personne d’accomplir correctement ses tâches est également très courante. Là aussi, nous prenons le temps de déconstruire ce préjugé par des cas concrets. Ainsi, par exemple, les personnes aveugles utilisent couramment un logiciel de synthèse vocale pour lire et développent parallèlement une capacité auditive et une mémoire supérieures à la moyenne, qui peuvent devenir de réels atouts dans leur fonction professionnelle.

Quels sont vos plus grands défis quotidiens ?

Faire face à la forte demande et assurer l’adéquation entre les besoins professionnels des entreprises et les compétences et qualifications de nos candidats.

Quels sont vos plus beaux accomplissements sur ces 3 années écoulées ?

Nous venons de célébrer les 200 projets professionnels facilités, sous forme de stages, de contrats d’adaptation professionnelle et de contrats classiques, à durée déterminée ou indéterminée. Chaque contrat est une victoire, chaque accompagnement est très enrichissant. Nous avons tellement de belles histoires à raconter. Je vous en choisis deux… Pour une personne sourde, muette et analphabète dont le talent est la couture, nous avons d’abord trouvé un stage d’un mois afin de parfaire ses compétences en réparation de vêtements. Maintenant, elle a été recrutée par les pompiers de Bruxelles pour réparer leurs costumes. Avec une jeune avocate en chaise roulante, pendant neuf mois nous avons cherché un cabinet d’avocats qui soit proche du Palais de Justice, accessible logistiquement et traitant les matières juridiques de son choix. Sa prestation de serment reste un souvenir unique. Son cabinet a reçu le prix coup de cœur de l’entreprise citoyenne de Cap 48 en 2016. Et tout se passe à merveille.

 

 

Avez-vous de nouveaux projets de développement ?

Nous sommes passés d’une personne à cinq en trois ans et ma volonté pour l’année qui vient, c’est de stabiliser cette équipe, nos processus et nos partenariats, afin de renforcer nos acquis.

diversicom.be

PHOTOS– VAYA SIGMAS
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