Now Reading:

Doriane van Overeem et la mode éco-consciente

La créatrice de mode Doriane van Overeem qui exprime régulièrement sa préoccupation pour le « slow fashion » et qui, à travers son travail, remet en question certains tabous sur les femmes, souhaite aujourd’hui nous sensibiliser à l’entretien responsable de nos vêtements pour éviter le gaspillage.

Doriane van Overeem a toujours su qu’elle voulait créer des vêtements. Après avoir obtenu son diplôme de la célèbre école de mode La Cambre à Bruxelles en juin 2013, elle décide, contre l’avis de son entourage, de lancer sa marque éponyme l’année suivante. Et c’est, d’où elle l’attendait le moins, qu’elle parvient à trouver un soutien concret pour faire ce qui la passionne : créer des vêtements qui incarnent sa vision de la féminité. Concevoir des vêtements est sa manière d’exprimer son point de vue sur la société et de soutenir les causes qui lui sont chères, en particulier le respect des femmes et de l’environnement.

En 2014, DvO a fait le buzz sur le web lorsque Ciara, la chanteuse américaine de Rn’B a porté le pull rose surdimensionné de la première collection de DvO. Aujourd’hui, avec déjà six collections à son actif et bien que soucieuse de la croissance de son entreprise, Doriane cherche à donner encore plus de profondeur à son travail. Consciente que cela constitue un défi, elle commente : « En tant que créateur, vous devez être dans la réalité. Vos pièces doivent être portables et accessibles. Si vous êtes trop « niche », cela peut causer votre perte. »

Qu’est-ce qui vous a incité à lancer votre propre marque si rapidement ?



La Cambre dispose d’un réseau bien établi dans les grandes maisons de mode, en particulier à Paris et c’est la trajectoire habituelle après l’école. Je ne sais pas si c’est par prétention ou contestation que j’ai choisi de rester à Bruxelles, mais la vie est trop courte et je veux faire ce que j’aime. Je préfère être indépendante parce que travailler pour une autre marque implique d’utiliser un langage qui n’est pas le mien et cela ne m’intéresse pas. Aujourd’hui encore, des gens ne croient pas à mon succès et me disent de fermer boutique, mais il est important pour moi de faire ce qui donne du sens à ma vie.

Pouvez-vous nous décrire l’univers de DvO ?



J’aime bien parler d’ambivalence et, en particulier, de celle de la femme. Je travaille l’aspect romantique de la femme comme on se la représente dans l’imaginaire collectif. J’aime mettre cette vision romantique, délicate, presque fragile en contraste avec une femme à l’esprit fort, contestataire, revendicateur, assuré. Cette ambivalence est essentielle pour moi. Sans cela, je ne trouverais pas l’image que je conçois de la femme : authentique. J’entends souvent d’autres designers, en particulier des hommes, dire créer pour des femmes d’affaires, fortes et super indépendantes. Et cela me dérange parce que cette image de la femme n’est pas réelle. Nous sommes beaucoup plus complexes. Nous pouvons être à la fois fortes et fragiles. Et c’est parfaitement acceptable.

Comment décririez-vous votre non-conformisme ?

Esthétiquement, sur la scène belge, je ne pense pas être le « mouton noir ». Mon non-conformisme se situe principalement dans mon discours, en ce sens que je rejette ce que l’on attend qu’une femme soit. Au travers des slogans des collections, je choisis de soulever des sujets tabous. Le slogan de la prochaine collection Automne-Hiver 2017 est « She raises me good ». Cela parle de l’éducation des garçons dans notre société, plus spécifiquement d’une éducation qui leur inculque le respect des femmes, je pense notamment au problème du harcèlement en rue. Ce slogan signifie que les garçons doivent être élevés dans le respect des filles, qu’ils sont responsables de leurs actes et doivent donc en assumer les conséquences.

Le slogan de la collection Printemps-Été 2017, en vente actuellement, « I don’t play nice » s’adresse spécifiquement aux femmes sur le lieu de travail, où bon nombre de clichés circulent encore. On se représente encore souvent la femme comme plus souple en négociation, plus effacée. On tente de la faire entrer dans un moule où elle se doit d’arrondir les angles. Avec « I don’t play nice », je souhaite faire dire aux femmes « non, je ne concéderai rien sur ma personnalité ».

Comment définissez-vous votre engagement citoyen ? Et quelles causes vous sont chères ?



J’ai déjà mentionné mon engagement pour le respect des femmes au travers des slogans engagés de mes collections et de l’image que je tente de renvoyer de la femme au travers des pièces que je confectionne.

La deuxième cause dans laquelle je m’implique, et souhaite encore le faire davantage, c’est l’écologie. C’est pourquoi mes pièces sont fabriquées localement, en Belgique. Je crée des vêtements durables et, même si, en tant que créatrice, je me trouve dans un circuit de production saisonnière, je cherche à promouvoir le « slow fashion », en créant des pièces plus intemporelles et en choisissant des matériaux durables. C’est dans cet esprit de durabilité des vêtements, qu’en avril dernier, j’ai rejoint le Care Label Project qui vise à sensibiliser les gens au bon entretien de leurs vêtements en lavant moins et mieux pour éviter le gaspillage. Cette campagne a été lancée par l’entreprise AEG qui, par ce biais, vise également à promouvoir ses nouvelles machines à laver plus économiques. Mais cela ne diminue en rien son mérite. Dans le cadre de cette campagne de sensibilisation, AEG a fait appel à quatorze designers en Europe et a produit une vidéo sur chacun d’entre eux. C’était une excellente occasion pour moi de montrer mon soutien à une cause que je défends et, en même temps, d’accroître ma visibilité.

Concrètement, le Care Label Project consiste à appliquer une étiquette de soins «Don’t Overwash» accompagnée d’un guide de conseils d’entretien du vêtement. Le choix d’impliquer les créateurs de mode s’explique par la volonté de déconstruire l’idée que les vêtements de marque nécessitent nécessairement un nettoyage à sec. Aujourd’hui, les programmes sensibles des machines à laver sont parfaitement adaptés aux matières délicates. La vision à long terme du Care Label Project consiste à encourager les consommateurs à prendre soin de leurs vêtements, à les faire durer plus longtemps et à éduquer et sensibiliser l’industrie de la mode sur l’importance de l’entretien et la durabilité des biens qu’elle produit.

Quels sont vos projets à venir ?



Je dois produire la prochaine collection printemps-été 2018. Je souhaite aussi développer la marque à l’échelle internationale. Je cible principalement les marchés italien, russe, américain et japonais. Cependant, même s’il est nécessaire d’avoir un succès commercial afin de continuer ce que j’aime faire, ce que je voudrais véritablement sur le long terme, c’est laisser une trace, me retourner sur mon parcours et me dire que j’ai pu changer quelque chose, aussi petit soit-il, dans la conscience du consommateur et dans l’industrie de la mode.

 

Découvrez la dernière collection DvO dans la série mode « No Ordinary Woman« .

dorianevanovereem.com
instagram.com/dorianevanovereem

Photos – Vaya Sigmas
Share This Articles